➜ Article de théologie

L’évolution de l’Église Catholique depuis la Réforme – 1ère partie

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Semper eadem

À priori, l’Église catholique est semper eadem, toujours la même, et fière de l’être. Là où nous autres évangéliques voyons une Église dont la doctrine évolue au fil des siècles, et pas toujours en bien, les catholiques affirment que leur Église n’enseigne que ce qui a toujours été cru partout, par tous. C’est d’ailleurs l’une des définitions de la catholicité. Si évolution il y a, c’est que l’Église est en train d’expliciter ce que l’Écriture contenait déjà en germe. Dans la pensée catholique d’aujourd’hui, la Bible et la Tradition ne sont pas deux sources de révélation : la Révélation divine est transmise par la Tradition qui comprend comme référence l’Écriture, et le Magistère est au service de son interprétation1. Dans cette mission, l’Église, indéfectible, est guidée par le Saint-Esprit. Quand, lors d’un Concile, elle définit une doctrine, où quand, dans des circonstances exceptionnelles, le pape se prononce de manière infaillible, nous sommes en présence d’affirmations qu’il faut recevoir par la foi, en mettant de côté toute interprétation personnelle.

Puisque l’Église est une, sainte, catholique et apostolique, puisqu’elle est le corps du Christ et que les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre elle, il est très difficile à l’Église de Rome d’admettre qu’elle s’est trompée, qu’elle a péché. Elle reconnaît des choses absolument scandaleuses commises en la personne de ses fils au cours de l’histoire ; Jean-Paul II a reconnu que des péchés personnels accumulés créent des péchés structurels qui affectent l’institution. Mais puisqu’il n’y a pas de distinction entre l’Église visible et l’Église invisible, l’Église sainte se manifeste dans l’institution2. Il n’y aura pas de remise en question des dogmes, même quand on admet en privé qu’ils n’ont pas tous un fondement biblique solide ou que certains constituent un obstacle à l’unité chrétienne.

Prenant cette vision des choses au premier degré, certains protestants vont dire que l’Église catholique n’a pas changé depuis le temps de Luther. C’est sur cette vision immuable de l’Église catholique que se fondent les évangéliques qui en restent à la ligne de la Confession de Foi de La Rochelle (1559). Dans la section consacrée aux « fausses Églises » celle-ci déclare : « C’est pourquoi nous condamnons les assemblées de la Papauté, parce que la pure vérité de Dieu en est bannie, que les Sacrements y sont corrompus, altérés, falsifiés ou totalement anéantis, et que toutes sortes de superstitions et d’idolâtries y ont la vogue. Nous estimons donc que tous ceux qui se joignent à de tels actes et y participent se séparent et se retranchent du Corps de Jésus-Christ » (article 29).

À la fin du XIXe siècle, l’Alliance évangélique s’est positionnée par rapport à Rome, en employant des termes tout aussi clairs : « la tyrannie du joug romain » (1869) ; « la papauté, notre ennemi, est grande, implacable, astucieuse… l’Église de Rome essaie de détruire la puissance de l’Évangile… » (1891). Ces phrases ont été reprises en 2017 par l’Alliance évangélique italienne3. Dans des articles récents, son vice-président Leonardo de Chirico affirme que la papauté, c’est l’Antichrist4.

Déjà à La Rochelle, les protestants admettaient la présence dans l’Église catholique d’authentiques chrétiens. Cela n’a pas changé avec le temps. Pour les évangéliques, la nouveauté, à partir du milieu du XXe siècle, c’est que sur des sujets éthiques, sociaux, culturels et politiques, une collaboration avec Rome est sérieusement envisagée5. Devant la déchristianisation de nos pays, dans le nord de l’Europe (Autriche, Allemagne, Suisse, Pays-Bas, Norvège, Suède…) la collaboration avec l’Église catholique dans l’évangélisation est maintenant mise en valeur aussi. Au sud de l’Europe, toute collaboration spirituelle est totalement inacceptable, tant que Rome n’aura pas procédé à une véritable réformation.

“Et pourtant, elle bouge

« Et pourtant, elle bouge. »6 Cette citation, attribuée à Galilée lors de son procès pour hérésie en 1633, peut très bien s’appliquer à l’Église catholique.

Depuis la Réforme, elle a amélioré sa discipline interne, ce qui était nécessaire ; elle a développé ses doctrines mariales et renforcé l’autorité du pape, ce qui ne l’était pas. Ces changements-là ne peuvent pas plaire aux protestants évangéliques. Mais nous devons en même temps reconnaître d’autres changements, positifs, surtout depuis le concile Vatican II (1962-1965). C’est ce que nous voulons mettre en évidence ici, sachant que, sur l’évaluation de ces changements, les évangéliques européens sont divisés.

Le contexte français a changé

En France et dans la plupart des pays européens, l’Église catholique est devenue minoritaire dans un paysage très largement sécularisé. Si 68 % des Français se disent catholiques, seuls 4,5 % vont à la messe toutes les semaines. Elle ne l’a pas choisi, mais, par endroits, l’Église catholique française est presque devenue une Église de professants ! Dans le passé, elle a souvent abusé de son pouvoir politique, elle a fait appel au « bras séculier » pour exécuter ses jugements contre les hérétiques. Mais cette phase dominatrice et longtemps sanguinaire est derrière nous. Aujourd’hui, en France, elle est minoritaire et publiquement déconsidérée.

Des changements par rapport à la vision pyramidale de l’Église7

Le Catéchisme romain (1566), à propos des charismes, distinguait ceux qui « ont la charge de commander et d’enseigner » de ceux qui « ont le devoir d’obéir et de se soumettre »8. Mais Vatican II parle du sacerdoce commun des baptisés9, du sens de la foi des fidèles en parallèle avec ce qui est dit du magistère10, de la responsabilité propre des laïcs11, qui de fait prennent une part croissante dans la vie de l’Église, y compris en accédant à des responsabilités diocésaines ou nationales. Les clercs ne sont plus vus autant en termes de « pouvoir », mais plutôt comme des « serviteurs » : ils enseignent pour que les fidèles puissent témoigner12 ; ils président les sacrements pour que les fidèles puissent offrir toute leur vie dans l’eucharistie13 ; ils gouvernent pour que l’Église puisse travailler à l’avènement du Royaume, à la construction duquel les laïcs ont une responsabilité particulière14.

Des changements par rapport à la piété

Quand j’étais au lycée, l’universalité des offices en latin était pour un camarade catholique un argument de vente. Depuis Vatican II, les langues locales sont utilisées, et l’emploi du latin est tout juste toléré, soit pour des raisons culturelles, soit pour garder les traditionalistes dans le bercail. Chacun peut comprendre ce qui se dit à la messe et y participer en pleine conscience.

Lire la Bible pour soi, et dans sa langue, était très fortement déconseillé. Depuis Vatican II, la messe comporte quatre lectures bibliques : dans tout l’Ancien Testament, les Psaumes, les épîtres (y compris Actes et l’Apocalypse) et les Évangiles. Ces lectures peuvent être assez courtes : mais elles sont plus riches que dans certaines Églises évangéliques ! Le fidèle est encouragé à se nourrir spirituellement par la lecture de la Bible. Et j’ai souvent entendu des prêtres défendre leurs convictions en disant qu’elles sont fondées sur la Bible. Que leur exégèse soit fondée ou pas, cette appel à l’Écriture, plutôt qu’aux Pères de l’Église ou au magistère, est en soi significatif.

Dans le même temps, le mouvement charismatique a touché l’Église catholique, qui voit fleurir des communautés loyales par rapport à Rome, mais mettant l’accent sur le Saint-Esprit, la Bible, et la communion fraternelle. Ce sont presque, dans notre langage, des Églises de maison !

Ces changements auront certainement des effets que nous ne pouvons pas encore mesurer. Mais d’ores et déjà, sur le plan individuel au moins, nous voyons des convergences, des connivences avec les évangéliques qui auraient été inimaginables il y a 50 ans. Rien ne change par rapport aux médailles, images, reliques, processions, pèlerinages, et autres supports de la piété populaire que les évangéliques récusent avec tant de vigueur. Ces dévotions varient selon les pays et les milieux et le magistère les relativise 15. Chez nos amis catholiques, nous constatons en fait une piété à la carte… comme lorsqu’un catholique regarde la diversité de la piété populaire évangélique !

Des changements dans le regard porté sur les autres chrétiens

Depuis Vatican II (1962-1965), le regard de l’Église catholique sur les autres chrétiens a changé. Sans rien renier de sa doctrine de l’Église et de la primauté de Pierre16, elle reconnaît non seulement les orthodoxes comme des « Églises séparées, » mais les protestants comme des « frères séparés. » Il convient d’explorer cela dans le détail.

Il n’y a pas encore une pleine communion entre l’Église catholique et les Églises orthodoxes classiques. Mais, depuis Rome, on dit que les orthodoxes ont les sept sacrements, la succession apostolique et, de plus, le culte de la vierge Marie : ce sont de vraies Églises17. Les anathèmes mutuels qui les séparaient de Rome depuis 1054 ont été levés en 1965.

Les positions sont plus diversifiées en ce qui concerne les Églises orthodoxes orientales, mais vont dans le même sens. Il y a eu notamment la signature d’accords doctrinaux significatifs sur la doctrine de Jésus- Christ vrai Dieu et vrai homme, qui était à l’origine des ruptures à partir des Conciles d’Éphèse en 431 et de Chalcédoine en 45118. De plus, à cause de leurs martyrs d’aujourd’hui, on parle parfois d’une communion ou d’un oecuménisme scellé dans le sang19.

Le regard de l’Église catholique sur les protestants a changé. Depuis le Concile Vatican II (1962-1965), ils ne sont plus des hérétiques mais des « frères séparés » ; pas véritablement des Églises au plein sens du terme, mais des « communautés ecclésiales ». C’est un très grand progrès.

En France, le regard des catholiques sur les évangéliques a changé. Nous étions une secte. Maintenant nous sommes des partenaires potentiels, déroutants certes, mais qui, contrairement aux protestants libéraux, croient aux grandes doctrines de la foi et aux grands principes de l’éthique chrétienne. Un pasteur protestant bien connu a dit récemment, en parlant des disciples qui vont à Emmaüs en Luc 24 : « [ce récit] est peut-être vrai, qui sait ? ». Catholiques et évangéliques, par contre, peuvent dire avec force que Christ est réellement ressuscité !

Pour citer l’évêque auxiliaire de Strasbourg, Christian Kratz, en parlant du regard que les catholiques portent sur nous20, il y a eu d’abord une phase d’indifférence : les évangéliques français étaient une quantité négligeable. Ensuite, une peur : ils sont en train de nous manger la laine sur le dos, de nous voler nos membres. Et maintenant, le sentiment d’une grande urgence, afin que nous conjuguions nos efforts pour évangéliser la France ensemble.

Enfin, la démarche oecuménique des catholiques a changé. Les documents de Vatican II affirment avec force la doctrine traditionnelle de l’Église. Mais le regard porté sur d’autres Églises et communautés ecclésiales est devenu bienveillant. À des degrés divers, ils possèdent des éléments d’ecclésialité authentiques, bénéficient des dons de Dieu, et peuvent apporter quelque chose aux catholiques. Ce sont des instruments dont se sert l’Esprit saint21. Il y a une « présence active de l’unique Eglise du Christ en elles » ; « en dehors de l’Église catholique, il n’y a pas de vide ecclésial »22.

Les chrétiens qui appartiennent à ces communautés ne sont aucunement responsables des ruptures d’autrefois, auxquelles des catholiques ont aussi contribué. Deux figures de l’oecuménisme peuvent illustrer le changement.

En 1908, Paul Wattson, prêtre épiscopalien américain, en a appelé à une octave de prière pour que les brebis égarées retournent au bercail de l’Église de Rome. Lui-même a fait cette démarche en 1909. En 2008 on a remercié Dieu pour lui lors de la Semaine de prière pour l’unité des chrétiens. Mais ce n’est pas lui que l’on cite en exemple aujourd’hui. C’est plutôt l’abbé Paul Couturier, prêtre lyonnais, qui, dans les années 1930, a osé formuler sa prière pour l’unité de la manière suivante : « l’unité que Dieu voudra, par les moyens qu’Il voudra ». Les deux approches ne s’excluent pas forcément : mais le changement de ton est remarquable23.

Des changements dans le regard porté sur l’histoire

Le 24 août 1572, jour de la Saint Barthélémy, 3.000 protestants ont été massacrés à Paris et, dans les jours qui ont suivi, 5.000 à 10.000 en province. C’étaient des nobles, des juristes, des artisans, des hommes, des femmes et des enfants. À Rome, le pape Grégoire XIII a fait sonner les cloches, on a frappé une médaille pour commémorer cette grande victoire, on a commandé une fresque qui orne encore aujourd’hui la salle royale, où le pape reçoit ses visiteurs de marque24. Mais aujourd’hui, les catholiques en ont honte. En 2000, le pape Jean-Paul II a demandé pardon pour les fautes du passé25. Il pouvait difficilement reconnaître que l’Église corps de Christ, indéfectible, une, sainte, catholique et apostolique pouvait pécher. Mais il a certainement reconnu le péché de ses fils. Ivre du sang des saints, Rome l’a certainement été. Elle ne l’est plus.

Le regard des catholiques sur Luther a changé aussi. Sa vision de la justification a été vigoureusement combattue par le Concile de Trente (1545-1563), malgré la présence, au début du Concile, de théologiens catholiques qui cherchaient une voie médiane, proche de celle qui prévaut aujourd’hui. Une longue tradition comprend la justification comme parlant du progrès du chrétien dans la sainteté. Comment être rendu juste ? Par la prière, l’amour, la fréquentation des sacrements, des oeuvres justes. Être rendu juste par la foi ? Sans doute. C’est, dirait-on, l’une des vertus chrétiennes qu’il faut cultiver, avec le reste. Être rendu juste par la foi seule ? Certainement pas. C’est une abominable hérésie que le Concile de Trente dénonce. Jusqu’à une époque récente, la violence de ses condamnations et la manière différente d’articuler la justification et la sanctification ont constitué un mur infranchissable dans les relations entre catholiques et protestants.

Mais aujourd’hui, ce que Luther a découvert dans les Psaumes, dans les épîtres aux Romains et aux Galates sur le salut par la grâce seule, par la foi seule, ne pose plus de problème aux catholiques, à condition de bien s’entendre sur les mots. Ainsi, Serge Holvoet, enseignant à la Faculté de théologie de l’Institut catholique de Lille, présente le salut par la foi en Galates et Romains dans des termes qu’aucun protestant ne pourrait récuser26. Au sein du Groupe national des conversations catholiques-évangéliques, nos interlocuteurs catholiques ont affirmé que le salut vient de Dieu par la grâce seule, et que l’accusation d’un salut par les oeuvres est un préjugé tenace. De tels propos vont dans le même sens que l’évaluation positive du message de Luther et la présence bienveillante des catholiques dans des célébrations des 500 ans de la Réforme.

Des changements doctrinaux parfois subtils

Si l’Église catholique ne peut pas revenir en arrière sur un dogme, elle peut revoir certains aspects de son enseignement au point de faire comprendre – à tort ou à raison – que la doctrine a changé. Nous mentionnerons quelques exemples.

En christologie, il n’y a aucun changement par rapport au Concile de Chalcédoine, mais une réinterprétation des conclusions qu’il fallait en tirer. C’est la base du rapprochement avec les Églises orientales.

Au Concile Vatican II, se basant sur une nouvelle appréciation de la liberté qui appartient à l’homme en tant qu’image de Dieu, l’Église a renoncé à justifier l’emploi de la torture pour obliger les hérétiques à adhérer à la vraie foi.

Dans la Déclaration Commune luthéro-catholique de 1998-199927, nous lisons : « C’est seulement par la grâce, par le moyen de la foi en l’action salvifique du Christ, et non sur la base de notre mérite, que nous sommes acceptés par Dieu et recevons l’Esprit saint, qui renouvelle nos coeurs, nous habilite et nous appelle à accomplir des oeuvres bonnes » (DC 15)28. Ainsi, la justification par la grâce seule, comme les protestants l’entendent, a été valorisée. L’approche du Concile de Trente a été relativisée, en tenant compte de son contexte historique. L’Église catholique ne renie pas ce concile, qu’elle croit guidé par le Saint-Esprit, mais elle le relit et procède à des ajustements subtils qui permettent d’adopter un tout autre discours.

Il faut admettre que l’ambiguïté sur le sens de la justification continuera à créer des malentendus. Les catholiques axent leur pensée avant tout sur le progrès du chrétien dans l’amour et sa persévérance jusqu’à la fin ; les évangéliques distinguent nettement entre la justification initiale et le déroulement du projet de Dieu pour la personne justifiée, que nous appelons sanctification. Mais le débat s’est déplacé. La priorité de la grâce fait l’unanimité, au moins dans des milieux bien informés. Mais comment la grâce de Dieu nous atteint-elle ? Les catholiques reconnaissent un rôle essentiel à l’Église, en soulignant en particulier l’importance des sacrements comme canaux de la grâce. Reçus dans la foi, ils seraient l’expression et le véhicule efficace de la grâce de Dieu. Tout en reconnaissant traditionnellement la valeur des « moyens de grâce », les protestants ont une vision plus immédiate de la justification, insistant sur le rôle prééminent de la foi personnelle, suscitée par l’annonce de la Parole.

Et quid du purgatoire et des indulgences ? Autrefois, sur les faire-part et les pierres tombales, il était courant de lire une invitation à prier pour la personne décédée. Il y a toujours des messes pour les défunts. Mais aujourd’hui, il n’est pas rare de lire que la personne est entrée dans la présence du Seigneur. On le dit parfois sans même se poser la question de la foi personnelle du défunt. Ce purgatoire horrible, cette sorte d’enfer avec une porte de sortie, est vu comme non plus comme un lieu de punition mais plutôt comme un temps ou un processus, comme l’accommodation douloureuse de celui qui passe de l’obscurité à une lumière aveuglante ! Beaucoup ne croient plus au purgatoire : les épîtres aux Romains et aux Galates sont passées par là ! Et les indulgences, si elles n’ont pas disparu de la piété et des déclarations publiques de l’Église, ne comportent plus la mention de la rémission de tant de jours de purgatoire. L’indulgence est aujourd’hui plénière et nécessite un vrai changement de coeur.

Conclusion

« Et pourtant elle bouge. » Nous avons noté la première impression d’une Église qui ne change pas. Nous pourrions lire le Catéchisme de l’Église catholique en 676 pages et nous trouver dans un premier temps confortés dans cette idée. Mais si on la compare au Catéchisme romain, publié après le Concile de Trente, la place de la tradition orientale y est beaucoup plus grande et il intègre Vatican II, notamment en ce qui concerne la collégialité épiscopale et la Vierge Marie29. Pour des raisons tantôt sociologiques, tantôt théologiques, l’Église catholique évolue, même au niveau le plus officiel.

Il reste à évoquer un dernier aspect qui vaut pour les catholiques comme pour les évangéliques. C’est que les catholiques peuvent être aussi différents entre eux que les évangéliques. Et comme il y a des évangéliques avec qui nous aurions peut-être du mal à collaborer, il y a des catholiques avec qui la confiance règne. Nous pouvons trouver en face de nous de véritables frères et soeurs dans la foi, prier les uns pour les autres, et trouver le moyen de travailler sur certains sujets ensemble. Cet ami catholique, il n’est peut-être pas en phase avec son Église sur toute la ligne, et ce n’est pas à nous de l’enfermer dans des schémas auxquels il n’adhère pas. Nous devons le connaître tel qu’il est, lui annoncer l’Évangile s’il ne connaît pas personnellement Jésus-Christ comme son Sauveur et son Seigneur, ou chercher à progresser avec lui comme des disciples, si c’est un frère. Là aussi, les choses changent.

Annexe sur le changements sur la vison pyramidale de l’Église

Le plan de la constitution sur l’Église manifeste bien ce changement : elle traite du Mystère (chapitre 1) qui se manifeste dans un peuple en marche (ch 2). Celui-ci est structuré en une hiérarchie (ch 3) et des laïcs (ch. 4) ; ensemble ils sont appelés à la sainteté (ch. 5), appel rappelé par un état de vie qui fait signe , les religieux (ch. 6) ; et tous sont tendus vers l’accomplissement de la création en Christ dont ils attendent la venue glorieuse (ch. 7), stimulés par l’exemple de la Vierge Marie (ch. 8). Ce qui est important ici est de voir qu’il y a un chapitre sur le peuple des baptisés (ch. 2) avant celui sur la hiérarchie (ch. 3) qui est lui-même articulé à celui sur les laïcs (ch. 4). (M. Mallèvre)


LIRE LA DEUXIÈME PARTIE

NOTES

  1. Vatican II : Dei Verbum n° 8-10 ↩︎
  2. Vatican II : Lumen gentium n° 8. ↩︎
  3. Lors de l’AG de l’Alliance évangélique européenne, à Prague. ↩︎
  4. Suivre le vif débat avec un autre théologien évangélique sur http://wrfnet.org/articles/2015/10/two-wrf-members-debate-whether-pope-antichrist# . ↩︎
  5. Par exemple, dans le Manifeste de Manille. ↩︎
  6. « E pur si muove! » La phrase est attribuée à Galilée par une tradition que Wikipédia n’arrive pas à authentifier. ↩︎
  7. Merci au Frère Michel Mallève, ancien co-secrétaire du Groupe national des conversations catholiques-évangéliques, pour les éléments de ce paragraphe, et pour de nombreux apports techniques ailleurs. ↩︎
  8. Chapitre X, § 10. ↩︎
  9. Lumen Gentium n° 10. ↩︎
  10. Lumen Gentium n° 12. ↩︎
  11. Lumen Gentium n° 30 et s. ↩︎
  12. Lumen Gentium n° 35. ↩︎
  13. Lumen Gentium n° 34. ↩︎
  14. Lumen Gentium n° 36. ↩︎
  15. Après ce que Vatican II dit de Marie par rapport à l’unique médiation du Christ (Lumen Gentium n° 62 et 66-67), voir exhortation Marialis cultus de Paul VI (1974). ↩︎
  16. La primauté de Pierre, c’est la primauté de l’évêque de Rome en tant que successeur de l’apôtre et héritier de la charge de l’Église locale ou sont morts martyrs Pierre et Paul. Elle lui donne la faculté d’intervenir pour le bien de la communion dans l’Église universelle et éventuellement dans un diocèse particulier. Ce que Vatican I a dit du pape est aujourd’hui replacé dans un cadre plus large qui revalorise l’épiscopat et fait place à la collégialité des évêques : il est rappelé que la primauté est au service de la communion, sans porter atteinte à la responsabilité propre des évêques, qui doivent aussi porter le souci de toute l’Église (Lumen Gentium n° 22 et 23). ↩︎
  17. Voir Lumen Gentium n°15. ↩︎
  18. Pour l’Église assyrienne de l’Orient à qui l’on prêta d’être “nestorienne”, et que l’on considéra comme condamnée par le concile d’Éphèse en 431, voir en anglais :
    http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_11111994_assyrian-church_en.html
    Pour les Églises orthodoxes orientales (arméniennes, coptes, syriaques, qui ne pouvaient comprendre le langage de Chalcédoine), liste des textes sur : http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/sub-index/index_ancient-oriental-ch_fr.htm ↩︎
  19. Par exemple, le cardinal Kurt Koch, Unité des chrétiens, n° 188, octobre 2017. ↩︎
  20. Dans une conférence donnée à Mulhouse le 14 septembre 2017. ↩︎
  21. Vatican II, Unitatis redintegratio n° 3. ↩︎
  22. Jean-Paul II, Ut sint Unum n° 11 et 13. ↩︎
  23. Voir https://fr.wikipedia.org/wiki/Semaine_de_prière_pour_l’unité_des_chrétiens. ↩︎
  24. François Clavairoly, Protestants et Catholiques, ce qui nous divise encore, Bayard, 2017, p. 119. ↩︎
  25. Michel Kubler, idem, p 121. On peut consulter un texte théologique très développé sur http://www.vatican.va/roman_curia/congregations/cfaith/cti_documents/rc_con_cfaith_doc_20000307_memory-reconc-itc_fr.html ↩︎
  26. Dans un article paru dans Unité des chrétiens, n° 188, octobre 2017. ↩︎
  27. Qui a été signée depuis, au niveau mondial, par les Méthodistes et les Réformés. Texte complet en français sur http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/chrstuni/documents/rc_pc_chrstuni_doc_31101999_cath-luth-joint-declaration_fr.html
    On consultera avec profit l’analyse d’Alain Nisus dans RéseauFEF Info n°145, 1er trim 2016. ↩︎
  28. Pour un regard croisé de catholiques et d’évangéliques sur le salut, voir le chapitre 3 de Évangéliser aujourd’hui, Excelsis et Salvator, 2017. ↩︎
  29. Remarque du Frère Michel Mallèvre. ↩︎

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