Article 5 – Jésus-Christ et son œuvre (Confession de foi pratique)

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Introduction

Dans le cadre de ses missions, le Comité théologique du Réseau FEF a réinvesti la Confession de foi du Réseau FEF pour décliner chaque article de manière pratique. L’objectif est de mettre en lumière les points doctrinaux qui rassemblent nos unions membres et d’équiper nos assemblées à vivre concrètement ces réalités essentielles. Voici le sommaire des différents articles :


Article 5 – Jésus-Christ et son œuvre

Nous croyons que Jésus-Christ est le Fils unique et éternel de Dieu et qu’il s’est fait homme pour notre salut. Conçu du Saint-Esprit et né d’une vierge, Marie, il est à la fois réellement homme et réellement Dieu. Il est le Messie promis par les prophètes. Tout en s’étant volontairement abaissé, le Fils de Dieu a manifesté une entière perfection dans le domaine du vrai et dans le domaine du bien. Tenté comme nous en toutes choses, il est demeuré parfaitement saint. Ayant reçu l’Esprit saint en vue de son ministère, il a parcouru le pays d’Israël pour y apporter son enseignement et accomplir de nombreux miracles attestant l’origine divine de sa mission. Dans sa vie comme dans sa mort, il a pleinement accompli la volonté́ de Dieu, exprimé sa pensée et manifesté l’immensité́ de son amour.

Nous croyons que Jésus-Christ a volontairement souffert et qu’il est mort sur la croix. Pour satisfaire à la justice divine, il a offert sa vie en sacrifice expiatoire pour les pécheurs et a ainsi subi à leur place le châtiment qu’ils méritaient.

Nous croyons que Jésus-Christ est corporellement ressuscité et qu’il a été́ élevé́ au ciel. Il siège à la droite du Père et partage sa gloire. Il intercède auprès de lui pour les siens ; il reviendra pour les prendre avec lui et pour établir le royaume de Dieu dans toute sa gloire. Il est le seul médiateur entre Dieu et les hommes. Il sera le juge des vivants et des morts. Il est le Sauveur et le Seigneur.

Confession de foi Réseau FEF

Mises en pratique de l’article 5

Par Roy Reese

1. Au niveau personnel de chaque croyant

Dans le Réseau FEF nous avons l’habitude de défendre la divinité et la préexistence éternelle de Jésus-Christ (Jean 1) et sa supériorité sur tous les prophètes et les anges (Hébreux 1) contre ceux qui nient sa divinité. Mais nous devons faire attention de ne pas minimiser son humanité et glisser vers une espèce de docétisme (inspiré par l’idée gnostique que la matière soit mauvaise) qui enseigne que Jésus avait seulement une « apparence » humaine et que ses souffrances n’étaient pas réelles ! Il est très important pour nous d’affirmer sa pleine humanité pour nous encourager dans nos faiblesses, souffrances et tentations, car en tant qu’être humain, lui a subi les mêmes souffrances et tentations que nous, sans commettre de péché, il peut compatir à nos faiblesses et nous secourir en tant que notre souverain sacrificateur (Hébreux 4.14-16). Imaginons quel encouragement ce serait pour chacun de nous si un grand homme de Dieu promettait de prier pour nous chaque jour. Mais nous avons bien mieux : Jésus-Christ lui-même intercède pour nous auprès de Son Père (Romains 8.34 ; Hébreux 7.25) !

Son humanité nous enseigne une autre leçon très importante : Nous ne pouvons pas atteindre la maturité spirituelle sans passer par des souffrances, car

Jésus « a appris, bien qu’il soit Fils, l’obéissance par les choses qu’il a souffertes » .

(Hébreux 5.8)

Alors, pas de maturité spirituelle sans souffrance, à moins que nous ne soyons supérieurs à Jésus-Christ lui-même !

2. Au niveau de la communauté locale

Il est important pour nos Églises locales de comprendre que notre foi en Jésus-Christ est enracinée dans l’histoire. Beaucoup de catholiques parlent de l’humanité de Jésus, mais d’une façon divorcée de l’histoire. Jésus est le Messie promis historiquement par les prophètes. Le miracle singulier de l’incarnation n’est pas simplement une « concrétisation », c’est-à-dire une manifestation de Dieu le Fils par une christophanie. C’est vraiment Dieu qui s’est incarné dans un vrai être humain !

Nous devons prendre au sérieux la substitution pénale qui est au centre de l’œuvre de Jésus-Christ, et qui s’est faite dans le temps et l’espace. Aujourd’hui, certains soi-disant « évangéliques » nient l’aspect expiatoire de la mort de Jésus sur la croix, mais c’est une hérésie, comme l’a dit le théologien Henri Blocher. L’historicité de la résurrection corporelle de Jésus-Christ a des implications dans le rapport avec notre propre corps (qui sera ressuscité aussi) et l’efficacité de sa mort pour effacer nos péchés. S’il n’était pas ressuscité, notre foi serait vaine et nous serions encore dans nos péchés (1 Corinthiens 15.16-18) !

Le triple office de Jésus-Christ comme Prophète, Prêtre et Roi a des implications pour nos communautés locales qui doivent être des communautés de prophètes, prêtres et rois, comme dit le professeur Vanhoozer. Cette insistance porte surtout sur le rapport analogique entre le triple office du Christ et celui de l’Église, et son déploiement concret dans la vocation de l’Église.

La communauté locale doit être aussi une démonstration vivante de l’amour et de l’unité qui existent entre le Père et le Fils

Ce n’est pas pour eux seulement que je prie, mais encore pour ceux qui croiront en moi par leur parole, afin que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et comme je suis en toi, afin qu’eux aussi soient un en nous, pour que le monde croie que tu m’as envoyé.

Jean 17.20-21

Le philosophe chrétien Francis Schaeffer a parlé de « l’apologétique ultime ». On peut témoigner de sa foi tout seul, mais on ne peut pas être une communauté qui s’aime et qui s’entraide tout seul !

3. Au niveau de l’Église au sens large

Jésus-Christ est le bâtisseur de l’Église. Il dit : Je bâtirai MON Église. » Ce n’est pas notre Église ni notre œuvre. Ce constat enlève un lourd fardeau de nos épaules. Les persécutions des premiers siècles n’ont pas réussi à éteindre l’Église. Bien au contraire, le sang des martyrs a souvent été « la semence » de l’Église. Le modèle des souffrances de Jésus-Christ a aidé l’Église à avancer malgré les souffrances. Jésus est actuellement à la droite du Père céleste où il règne sur son Église et prie pour elle. Le caractère universel de l’œuvre du Christ implique que nous sommes un en Christ malgré une grande diversité à travers l’Église universelle. Cette unité est reflétée par l’expression nous croyons qui se trouve dans beaucoup de confessions de foi. Ce nous pour qui le Christ est mort doit nous amener à chérir et rechercher l’unité de l’Église.

Les deux natures de Jésus-Christ (divine et humaine) ont des implications pour l’Église universelle. Puisqu’il est Dieu, il nous relie avec le Père. Mais puisqu’il est humain, il est lié à son épouse humaine (l’Église). Il peut représenter son Église devant le trône céleste parce qu’il est « l’un de nous », un vrai être humain. Le mariage glorieux du Fils de Dieu (les noces de l’Agneau) a été anticipé avant la Création par l’Agneau immolé avant la fondation du monde (1 Pierre1.20 ; Apocalypse 13.8). Ce mariage va durer pour toute l’éternité !

4. Au niveau des ministères

Le bon mobile pour prendre des responsabilités dans l’Église n’est pas de se faire un nom, mais de s’abaisser pour servir les autres en suivant le modèle de Jésus-Christ, notre Roi-serviteur. Le mot « volontairement » paraît deux fois dans l’article 5 et montre le choix de Jésus de se soumettre à la volonté de Son Père. Il n’y a pas de ministère sans souffrance ; nous devons, hommes et femmes également, nous y soumettre volontairement.

Nous devons être christocentriques, voire « cruci-centriques », dans notre prédication et notre enseignement, centrés sur Jésus-Christ et la croix (1 Corinthiens 2.1-2).

Dieu nous confie un ministère avec des limites définies. Même Jésus avait des limites (par exemple géographiques) dans son ministère. De même, nous pouvons avoir des limites géographiques selon l’endroit où Dieu nous a placés, des limites dans notre style de ministère selon les dons naturels et spirituels que Dieu nous a donnés, et des limites qui sont fonction de la direction du Saint-Esprit. Tout le monde n’est pas censé faire tous les ministères possibles, car ils sont très divers : prédication, relation d’aide, conseil conjugal, enseignement, ministère social, travail humanitaire…

Dans sa mort, sa résurrection et son ascension, Jésus-Christ a fait des dons aux hommes, selon Éphésiens 4.8-10 ; le passage biblique précise ensuite qu’il s’agit de dons spirituels pour équiper des hommes afin qu’ils servent l’Église (verset 11 : apôtres, prophètes, évangélistes, pasteurs, docteurs), dans le but, sous la direction de l’Esprit, d’édifier les membres du corps local du Christ afin que l’Église locale puisse exercer son ministère (versets 12 et 13).

Et justement, une partie du rôle de ces hommes est de mieux faire comprendre aux membres de l’Église locale la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, non seulement dans des termes académiques et intellectuels, mais aussi dans les implications pratiques pour leurs vies personnelles et leur Église, c’est-à-dire de faire comprendre ce que veut dire

Vous avez tout pleinement en lui [Jésus-Christ], qui est le chef de toute domination et de toute autorité .

Colossiens 2.10

5. Au niveau du rapport avec le monde

Nous sommes dans le monde, mais pas du monde. Nous devons former les chrétiens pour qu’ils s’engagent avec le monde. Car le danger est réel d’un « platonisme » qui nous maintiendrait séparés du monde, dans une espèce de retrait spirituel. L’incarnation de Dieu le Fils dans la personne de Jésus est le modèle par excellence de notre rapport avec le monde, notre témoignage et notre engagement dans la cité. Paul montre la même attitude lorsqu’il cherche à se faire « tout à tous » (1 Corinthiens 9.19-22).

L’œuvre universelle de Jésus-Christ (Éphésiens 2) nous confronte à la transculturalité. Jésus ne l’a pas éludée, et ses interactions avec le monde, par exemple sa rencontre avec la Samaritaine (Jean 4. 1-42) ou sa rencontre avec un centurion romain (Matthieu 8.5-13), peuvent être source d’inspiration et d’enseignement. Nous constatons que Jésus a adapté son message à la personne qui était devant lui. Certes, il pouvait lire dans les pensées, mais n’est-il pas le modèle d’apologétique par excellence ? Les apôtres ont cherché à suivre le modèle de leur Seigneur. Une telle attitude est sûrement plus à notre portée.

La France du XXIe siècle est une société pluraliste dans laquelle plusieurs « mondes » se côtoient. Selon le contexte dans lequel Dieu nous a placés, nous en distinguons quatre dans notre pays que l’on rencontre fréquemment.

Le monde catholique traditionnel recherche un Dieu proche avec un « visage humain » à travers la Vierge et les saints. Les catholiques ont besoin de savoir que Jésus-Christ est notre souverain sacrificateur compatissant (Hébreux 4.15) et le seul médiateur entre Dieu et les hommes (1 Timothée 2.5). Nous devons clarifier des mots tels que médiateur et péché pour qu’ils en comprennent le sens biblique. Au demeurant, il est vrai que les évangéliques doivent eux aussi parfois mieux comprendre ces mots, et on doit les expliquer aux non-croyants en général.

Le monde incrédule et athée a besoin de savoir que la mort et la résurrection de Jésus-Christ ne sont pas des mythes et légendes, mais des faits historiques !

Le monde musulman a besoin de savoir que Jésus n’a pas été enlevé de la croix (comme enseigne l’islam), mais qu’il est vraiment mort sur la croix pour nos péchés et ressuscité. Les musulmans ont besoin de savoir que les apôtres (témoins oculaires du premier siècle) sont mieux placés pour savoir ce qui s’est vraiment passé à la croix que Mahomet qui est venu à la fin du VIe siècle !

Le monde juif croit que lorsque le Messie viendra, Israël retournera dans son pays, que le temple sera reconstruit, et qu’il y aura la paix et la justice universelle. Or, après le ministère de Yeshoua (Jésus), c’est le contraire qui s’est produit. Nous avons besoin nous-mêmes de mieux comprendre les notions de « Roi » et « Messie » dans l’Ancien Testament, et d’expliquer aux juifs que le Messie est venu la première fois pour expier le péché (Ésaïe 53) et viendra une seconde fois pour établir le royaume de Dieu dans toute sa gloire (Ésaïe 2 ; Daniel 7 ; Zacharie 14).

Éléments explicatifs de l’article 5

Par matthieu gangloff

Du point de vue historique, l’existence de Jésus n’est pas discutée. D’après les historiens, chrétiens ou non, un Juif nommé Ieshoua (Jésus), c’est une certitude, a vécu en Palestine au début du premier siècle de notre ère. Prédicateur itinérant, parcourant la Galilée et la Judée, il a été arrêté à l’instigation du haut sacerdoce de Jérusalem, les grands prêtres Hanne et Joseph dit Caïphe, son gendre. Après un bref procès, il a été condamné à mort et crucifié à la porte de la ville sainte par ordre du gouverneur romain Ponce Pilate, sous le règne de Tibère1.

En tant que chrétiens, nous allons au-delà : nous affirmons que Jésus est le Fils de Dieu, Dieu lui-même, venu pour sauver l’humanité. Nous affirmons qu’il est et reste le Dieu souverain et Seigneur pour l’éternité. Cette affirmation est au cœur de notre foi.

Quand on lit l’Évangile, il semble évident que Jésus est envoyé par Dieu, les miracles l’attestent. Il rivalise aussi avec les rabbins de l’époque. Ses enseignements sont incroyables. Et quand on prend tout le Nouveau Testament, l’identité de Jésus-Christ est centrale. Il est décisif d’être au clair sur son identité. Le salut en dépend ! (Romains 10.9-10)

Jésus Christ au centre de tout

Selon le texte biblique, tout passe par le Christ  :

Le Fils est l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute la Création. En effet, c’est en lui que tout a été créé dans le ciel et sur la Terre, le visible et l’invisible, trônes, souverainetés, dominations, autorités. Tout a été créé par lui et pour lui. Il existe avant toutes choses et tout subsiste en lui. Il est la tête du corps qu’est l’Église; il est le commencement, le premier-né d’entre les morts, afin d’être en tout le premier. En effet, Dieu a voulu que toute sa plénitude habite en lui. Il a voulu par Christ tout réconcilier avec lui-même, aussi bien ce qui est sur la Terre que ce qui est dans le ciel, en faisant la paix à travers lui, par son sang versé sur la croix.2

Colossiens 1.15-20

Pour reprendre les mots d’Henri Blocher, toutes les lignes maîtresses se recoupent en lui3. De même que Paul dans Colossiens, Jean, dans son prologue, affirme que toutes choses ont été faites par lui et rien de ce qui a été fait n’a été fait sans lui (Jean 1.3). Tout se rejoint en lui : l’ultime et l’intime, la Vérité et la Vie, la Création et la rédemption4. Il est avant et après toutes choses : Alpha dès l’origine [… et] Oméga au siècle des siècles5. Cette concentration de toutes choses dans le Christ est un phénomène unique sans pareil. Aucune autre religion n’a osé tant attribuer à son fondateur, et de loin ! Les prétentions de Mahomet, l’apôtre d’Allah, ou de Bouddha, l’Illuminé, ne se comparent pas à celles de Jésus selon le christianisme6.

Ceci posé, si la christologie est essentielle et cardinale à notre foi et que tout s’y ramène, tout ne s’y réduit pas forcément dans les Écritures. La christologie prend place dans une vision trinitaire plus vaste, où les rapports éternels des Personnes de la Trinité (Jean 1.1) ne se confondent pas avec les missions historiques du Fils venu s’incarner, et de l’Esprit répandu sur l’Église7. Si c’est seulement par le Christ et en Christ que nous trouvons Dieu, Dieu est en même temps : Père, Fils et Saint-Esprit et non Christ seulement. Ainsi, tout se rattache à la christologie, mais tout ne s’y réduit pas.

La révélation progressive de Jésus-Christ dans la Parole de Dieu

La venue de Jésus, sa mission, sa passion, ne sont pas des accidents. Sa mission a suivi une préparation, s’est insérée dans une lignée, et s’est déroulée dans la succession de plusieurs étapes8. Dieu préparait son peuple à la venue du Christ. Il y eut des annonces directes et indirectes, plus ou moins voilées et qui se faisaient dans le contexte de la réalité des hommes de l’Ancienne Alliance.

Il est possible de les retrouver et de s’émerveiller de ce si grand salut préparé de longue date par le Dieu trinitaire.

La loi, les prophètes et les Écrits visaient certes ce qui se passait pour leur époque, mais regardaient aussi au-delà de leur époque. Dans le judaïsme, il fut toujours question d’une tension orientée vers celui qui devait venir. Le « tanak », ces trois parties de l’Ancien Testament, visaient au-delà des époques et circonstances de rédaction, un avenir autre : ce qui était futur pour eux est advenu en Jésus9. Jésus est le Christ, « celui qui devait venir » d’après ces textes (Matthieu 11.3ss). C’est d’ailleurs dans l’Ancien Testament que les premiers apôtres et chrétiens ont discerné leur christologie10. L’Ancien Testament présente un certain nombre de préfigurations messianiques (l’arche de Noé, Isaac sacrifié, Joseph vendu par ses frères, Moïse, le roi David et tant d’autres), et présente au fil des pages le constat d’une terrible insuffisance dans le respect de la loi. Une nouveauté de vie, une circoncision du cœur, une alliance nouvelle semble indispensable (Jérémie 31) au regard des textes prophétiques.

Les prophètes vont précisément annoncer la venue d’un Messie. Les prophéties qu’on lit en période de Noël sont de bons exemples directs et indirects :

  • Car un enfant nous est né, un Fils nous est donné, Et la souveraineté (reposera) sur son épaule ; On l’appellera Admirable, Conseiller, Dieu puissant, Père éternel, Prince de la paix.
Ésaïe 9.5 (760 av JC)
  • C’est pourquoi le Seigneur, lui, vous donnera un signe, Voici, la vierge concevra et elle enfantera un fils, et appellera son nom Emmanuel.
Ésaïe 7.14
  • Et toi, Bethlehem Éphrata, Toi qui es petite parmi les milliers de Juda, De toi sortira pour moi Celui qui dominera sur Israël Et dont l’origine remonte au lointain passé, Aux jours d’éternité.
Michée 5.1 (750 av JC)

Pour Blaise Pascal, la plus grande des preuves de Jésus-Christ, ce sont les prophéties11. C’est probablement dans le même sens que les premiers apôtres utilisaient beaucoup la correspondance entre les textes de l’Ancien Testament et les événements de la vie de Jésus pour démontrer qu’il était le Christ (Actes 17.2,3,11 ; 18.28)12. Pour les apôtres et les premiers chrétiens, l’attente d’Israël est comblée en Jésus. Et quand on considère la manière dont les apôtres évangélisaient les Juifs, on se rend compte qu’ils enseignaient de manière à donner la certitude qu’en Jésus-Christ toutes les promesses de Dieu sont Oui et Amen (2 Corinthiens 1.20 ; cf. Romains 15.8). D’ailleurs, les apôtres ne sont pas les premiers à l’affirmer.

En effet, Jésus a expliqué sa personne et son œuvre à partir de l’Ancien Testament. Il invoque les trois parties du canon hébreu (Luc 24.25), il souligne le témoignage de la Loi et des prophètes (Jean 5.39,46) et au début de son ministère, il annonce l’accomplissement des choses anciennes écrites (Luc 4.21), le but de sa mission (Matthieu 5.17).

La préparation de la venue de Jésus-Christ dans l’Ancien Testament garantit l’historicité de sa mission. C’est l’histoire du salut qui se poursuit. Le Dieu qui travaillait dans l’Ancien Testament poursuit son œuvre dans le Nouveau. Ainsi, dans la personne de Jésus, c’est la poursuite de l’histoire du salut. Il est symptomatique que les plus dangereux adversaires du christianisme dans l’Antiquité […] aient voulu couper le cordon ombilical entre l’Église de Jésus-Christ et les Écritures confiées à Israël13. C’est toujours un enjeu que de défendre le lien entre Ancien Testament et Jésus-Christ14.

L’annonce du Christ est encore très voilée dans l’Ancien Testament. On le discerne pourtant sous certaines expressions qui se rapportent à Jésus-Christ :

  • La semence. On retrouve ce mot dès Genèse 3.15, le « Protévangile »15. Le Christ sera cette postérité de la femme qui écrasera la tête du Serpent. Dans la même optique, le lecteur de la Genèse apprend que Dieu veut bénir toutes les nations par la postérité d’Abraham. C’est à travers la semence d’Abraham, d’Isaac et de Jacob que la bénédiction viendra et atteindra les nations de toute la Terre (Genèse 12.3 ; 18,18 ; 28.14). Ce même terme est utilisé ensuite par les prophètes.
  • Dans le testament de Jacob (Genèse 49.10), la mention du shîloh vient continuer le trait, avec l’idée d’une descendance royale. Jacob prédit que « le sceptre ne s’éloignera pas de Juda jusqu’à ce que vienne le shîloh »16, le descendant ultime.
  • Le nouveau Moïse. Deutéronome 18.15-18 annonce la venue d’un prophète « comme Moïse »17. Ce texte vise plus loin que la série des prophètes de l’Ancien Testament pour se focaliser sur un Envoyé suprême, un nouveau Moïse.
  • Le Fils de David. Ce titre est un des plus utilisés dans le Nouveau Testament pour parler du Christ. Il renvoie à la prophétie de Nathan à David (2 Samuel 7.4-16, surtout 12-16). À première lecture, on imagine parfois Salomon, mais la prophétie ne correspond pas pleinement. L’accent massif sur l’éternité du règne promis18 fait comprendre que la prophétie va au-delà des rois terrestres. C’est d’ailleurs bien ainsi que l’ont compris les psalmistes et les prophètes, qui vont régulièrement rappeler cette promesse et l’enrichir de précisions nouvelles dans leurs présentations du messie royal (cf. Blocher, La doctrine du Christ, p.29 et suivants pour plus de détails).
  • Le Serviteur souffrant. Dans le texte d’Ésaïe, une nouvelle figure est présentée et d’Israël. Plusieurs textes le mentionnent19 et il semble récapituler les autres expressions ou en tout cas les assume. Ce serviteur a une mission pour Israël (49.6) et d’une certaine manière, il représente ce peuple. Il est Israël (49.3) et remplit lui seul la vocation qu’Israël a trahie. Il est lui seul le Reste du Reste. L’Esprit repose sur lui comme sur le nouveau David (42.1s) L’image du rejeton apparaît (53.2), serviteur qui « vient prêcher, souffrir et donner sa vie ». Le Serviteur est d’abord le nouveau Moïse. Il dispense sa tôrâ (42.4),libère les captifs, les conduit par les routes du nouvel exode (42.7 ; 49.8ss). Il conclut l’alliance pour le peuple (42.6 ; 49.8), une nouvelle alliance universelle. (42.6 ; 49.6). Sa mission passe par la souffrance et la mort qui lui permettra d’expier les péchés des « nombreux » et de justifier les coupables. La définition de sa mort comme àsam, sacrifice de culpabilité (53.10), renvoie au système sacrificiel.
  • Le Fils de l’homme. C’est Jésus lui-même qui utilise le plus cette expression dans le Nouveau Testament. Dans l’usage ordinaire, l’expression ferait référence à un être humain, « un individu appartenant à l’humanité ». Mais le texte de Daniel auquel fait référence Jésus montre le Fils de l’homme qui vient sur les nuées des cieux, ce qui renvoie toujours à la sphère de Dieu dans la théologie vétéro-testamentaire. La venue du Fils de l’homme sur les nuées situe son apparition non dans la catégorie de celle des anges, qui ne sont jamais revêtus de cette dignité… mais dans celle de Dieu lui-même20. Nous pouvons donc sans nous tromper affirmer que ce Fils de l’homme, cet Envoyé, dans la présentation que Daniel en fait, est divin. La même image se retrouve en Ézéchiel 1.26.

Dans le Nouveau Testament, les gens ont eu des perceptions différentes de Jésus (Matthieu 16.14). Les gens achoppaient à sa personne et son œuvre. Ils ne savaient pas trop qui il était. Toutefois, les apôtres ont distingué le Messie en sa personne.

  • L’enseignement de Jésus suscite l’étonnement (Jean 7.46) alors qu’à priori un charpentier n’aurait pas dû avoir une telle parole. Il parlait avec autorité et non pas comme les scribes (Matthieu 7.29)21. Il fait l’usage d’un seigneurial « Mais moi je vous dis » qui lui donne au moins le rang de nouveau Moïse. C’est exactement la place qu’il prend lors du sermon sur la montagne. Il a aussi l’habitude de préfacer ses affirmations d’un double amen : « En vérité, en vérité je vous le dis », ce qu’on ne retrouve chez aucun prophète ou rabbin22. C’est une formule qui remplace le « Ainsi parle l’Éternel » des prophètes. McDonald commente : Les prophètes parlaient pour Dieu, Jésus parlera comme Dieu23.
  • Jésus accompagne son discours de nombreux miracles, surtout de guérisons et d’exorcismes. Ses miracles sont des signes de l’accomplissement des temps (Matthieu 11.5) et des preuves qu’il est bien qui il prétend être. Pourtant, Jésus ne répond pas à la demande d’un miracle des pharisiens (Marc 8.12). Il fait des miracles, mais il n’en est pas friand. Pour lui, les miracles ne constituent pas le chemin qui mène à la foi (Jean 4.48), au contraire même. Ils ont tendance à l’en écarter. C’est pour cette raison que lorsqu’il fait un miracle, très souvent il interdit formellement la divulgation de la nouvelle. Ce sont des signes de sa divinité, pas des cartes de visites qui le présentent clairement.
  • Dans l’enseignement de Jésus, la prépondérance est accordée à l’annonce du royaume de Dieu. Les synoptiques mettent clairement ce point en évidence.24. Et il y a quelque chose d’étonnant : La venue du royaume paraît tantôt future et tantôt réalité déjà présente25. Il est donc roi, mais en même temps un roi étrange, qui ne règne pas politiquement et qui ne vient pas renverser les Romains. Jésus mêle progressivement aux promesses de règne et de triomphe, la prédiction du rejet, des souffrances, de la mort26. Si bien que Pierre en sera scandalisé (Matthieu 16.22). On notera d’ailleurs que l’entrée dans le royaume se décide par rapport à lui (Marc 8.38s ; Matthieu 7.21ss) et c’est en lui que le royaume est déjà présent (Matthieu 12.28 ; Luc 17.21). Selon le fameux mot d’Origène, il est l’autobasiléia, le royaume en personne. Il n’annonce pas juste la grâce, c’est lui qui la communique. Jésus ne fait pas que prêcher, il se prêche lui-même, avec une autorité telle que là encore les gens se demandent : mais qui est cet homme qui se prêche lui-même ?
  • Jésus a aussi un comportement moral impressionnant. Nous le voyons mettre les standards moraux à leur plus haut niveau, en même temps, loin de ce que vivent les pharisiens qui pourtant affirment tenir aussi à la sainteté et la pureté. Jésus montre une compassion sans pareille pour les plus bas tombés : il accepte l’hommage d’une prostituée. Il a une rigueur morale absolue, mais il ne vit aucun ascétisme. Il mange bien. Il va dans les fêtes. Il fait même des repas avec les pires de la société (Matthieu 11.19 ; 9.14).
  • Étrangeté : D’une part, il fait preuve d’humilité profonde et d’autre part il émet sur son compte des prétentions exorbitantes : Il ose se dire plus grand que Jonas (Matthieu 12.41), il ose se dire plus grand que le plus glorieux des rois d’Israël (Matthieu 12.42), il se dit plus grand que Jacob, plus grand qu’Abraham (Jean 4.12-13 ; 8.51-59). Il s’élève au-dessus du temple de Dieu lui-même (Matthieu 12.6). Pour tout autre homme, on serait forcé de dénoncer une mégalomanie. Pourtant, dans le cas de Jésus, ces paroles demeurent parfaitement proportionnées27.

Jésus est le Messie, même s’il a manifesté certaines réticences quant à l’emploi de ce titre. Si le Nouveau Testament l’utilise énormément ; Jésus ne l’utilise pas vraiment. Les réticences de Jésus s’expliquent plutôt comme un refus d’endosser la conception courante de la messianité, que la foule et les disciples tendaient à projeter sur [lui]28, avec l’idée d’un Messie politique. Ce n’est qu’à partir de la croix que le risque de ce malentendu allait cesser, et que le titre de Messie pourrait être proclamé sur les toits. Mais Jésus évite ce titre tout au long de son ministère à cause de ce malentendu.

Jésus fut une énigme pour ses contemporains. Et pour les chefs religieux de son temps, selon la formule de Blocher, la seule façon d’éliminer l’énigme était de l’éliminer en personne. Mais Dieu l’a ressuscité d’entre les morts. Après sa résurrection, les disciples enseignés par l’Esprit vont comprendre que les fils de l’Ancien Testament se tressent en Jésus et que c’est en lui que le mystère se noue ou plutôt se dénoue.

Ils arriveront à la conviction que c’est lui qui est le vrai accomplissement de toutes les annonces et préfigurations : lui le Messie, le Fils de l’homme, le Serviteur, la Parole qui donne l’Esprit, la Sagesse29. Mais aussi et surtout le Seigneur, titre le plus central dans le Nouveau Testament. La victoire de Jésus sur la mort, c’est-à-dire sa résurrection, revêt une importance cardinale pour la foi chrétienne. Elle fut au centre des premiers discours apostoliques. Paul le dit clairement :

Si Christ n’est pas ressuscité des morts, notre foi est vaine, et nous sommes encore, et sans espoir.

1 Corinthiens 15.14-18

Cette résurrection est d’abord un signe de l’approbation divine, plus encore, elle démontre la divinité de Jésus. Le Christ a déchiré les filets de la mort et se tient devant nous comme Prince de la vie et du salut (Actes 3,15 ; Hébreux 2). Il a dépouillé la mort de sa victoire et de son aiguillon. Il est vainqueur des puissances de l’enfer. La résurrection de Jésus se tient en prémices de la nouvelle Création. Comme il est sorti vainqueur de la mort, tous ceux qui mettent leur confiance en lui ressusciteront aussi à leur tour. Le Prince de la vie est donc pionnier d’une humanité nouvelle.

C’est aussi l’intronisation du règne de Jésus-Christ. La première prédication de Pierre affirmait avec force que Dieu a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous avez crucifié (Actes 2, 36). Comprenez bien que Jésus n’est pas devenu Seigneur ou Messie au matin de Pâques. Mais sa résurrection est l’intronisation, l’entrée dans l’exercice plénier de son règne messianique. Il était Christ et Seigneur dès sa naissance (Luc 2.11 : qu’aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur.), mais désormais son règne a commencé. Il est déjà là, même s’il y a encore une attente pour que le règne absolu soit effectif. Avec la résurrection, l’humanité entre dans une période que la Bible appelle « les derniers temps ». Et pour l’éternité, Jésus est Seigneur. Amen !

Les deux natures de l’unique Fils

Au cours de l’histoire de l’Église, il y eut plusieurs attaques contre la doctrine du Christ. Les premiers chrétiens ont dû s’efforcer de formuler de grandes affirmations christologiques, certaines plus équilibrées que d’autres, mais répondant toujours au défi de leur temps et nous laissant en même temps un héritage théologique et un défi de réflexion à poursuivre.

Les preuves de sa divinité abondent au fil du Nouveau Testament :

  • Plusieurs textes affirment clairement que Jésus est Dieu (Jean 1.1 ; 8.58 ; 10 .30 ; Actes 20.28 ; Tite 2.13 ; 2 Pierre 1.1…).
  • Plusieurs titres divins lui sont attribués (Fils de Dieu, Oint, Emmanuel, Seigneur, Père éternel) dans des textes comme Ésaïe 9.6.
  • Il faut relever tous les « je suis » dans Jean qui font référence à Exode 3.14 : Je suis le pain de la vie (Jean 6.35) ; Je suis la lumière du monde (Jean 8.12) ; Je suis la porte (Jean 10.9) ; Je suis le bon berger (Jean 10.11) ; Je suis la résurrection et la vie (Jean 11.25) ; Je suis le chemin, la vérité et la vie (Jean 14.6) ; Je suis le vrai cep (Jean 15.1).
  • On peut aussi mentionner les honneurs divins qui sont rendus à Jésus. On se prosterne devant lui. Pour des Juifs, c’est inacceptable : on ne se prosterne que devant Dieu lui-même (Matthieu 2.11 ; 14.33 ; 28.9,17 ; Luc 24.52 ; Jean 9.38).
  • Les attributs (tout-puissant, sait ce que les pharisiens ou les disciples pensent dans leur cœur…), les qualités ou propriétés que Dieu possède, appartiennent à Jésus-Christ. En lui réside toute la plénitude de la divinité (Colossiens 2.9). Le Père et lui sont un seul être, une seule essence (Jean 10.30). Il est éternel (Jean 8.58 et Hébreux 1.10-12 ; Jean 1.1 et Hébreux 13.8 suggèrent la même pensée). L’omniprésence requiert la divinité et Jésus se l’attribue (Matthieu 18.20 ; 28.20 ; Éphésiens 1.21-23 et 4,10 en lien avec Jérémie 23.24).
  • Les œuvres divines : Le pardon des péchés (Marc 2.7-10), la Création (Ésaïe 40.12-14) dans la Bible sont l’œuvre exclusive de Dieu ; or Jésus est le Créateur de toute chose (Jean 1.3s ; Colossiens 1.16s ; Hébreux 1.2s). Dans l’Ancien Testament, le salut relève fondamentalement de YHWH. C’est lui qui rachète son peuple. Dans le Nouveau Testament, l’auteur du salut éternel est Jésus (2 Corinthiens 5.19). Si Jésus n’est pas Dieu, notre garantie du salut est limitée. Seul Dieu peut l’assurer. Si Jésus-Christ n’est pas Dieu, Dieu ne nous a pas démontré le plus grand amour. Il n’est pas venu lui-même. Il ne connaît pas l’amour sacrificiel. (1 Jean 4.8 ; 5.20). Et Jésus juge aussi (Apocalypse).

En parallèle, on trouve des éléments aussi clairs sur l’humanité de Jésus-Christ :

  • Il y a en effet des déclarations expresses portées par Jean-Baptiste (Jean 1.30), les apôtres (Actes 2.22 ; 1 Timothée 2.5). Paul développe le parallèle antithétique des deux hommes chefs d’humanité (1 Corinthiens 15.21, 45, 47) de manière évidente. Par ailleurs, le titre « Fils de l’homme », malgré les résonances divines qui l’entourent en Daniel – son origine céleste et non de la Terre, points que nous avons déjà beaucoup accentués – l’idée d’humanité n’est pas exclue. Jésus est l’homme30 par excellence, l’humanité réalisée selon Dieu.
  • Plusieurs textes impliquent le fait que Jésus était pleinement homme, dans son appartenance au monde avec les limites créaturelles. Il n’a pas eu de faiblesse morale, mais fut tenté en tout comme nous (Hébreux 4.15). Il a fait preuve de vulnérabilité et de sensibilité humaine, mais aussi de solidarité familiale.
  • On peut aussi distinguer des traits spécifiquement humains. Jésus procède d’une lignée humaine (de la postérité de David : Galates 3.16) ; il est fils de David (Jérémie 23.5 ; Matthieu 21.9) ; premier-né de Marie (Luc 2.7) ; selon la chair, le Christ est issu des patriarches (Romains 9.5).
  • Jésus a été soumis aux lois de la croissance (Luc 2.52 : Jésus croissait en stature, en sagesse et en grâce ; Hébreux 5.8). En outre, Jésus-Christ a un corps (Jean 2.21 ; Matthieu 20.28 ; Jean 10.15-17 ; etc.), une chair et des os (Luc 24.39), une âme (Matthieu 26.38), un esprit (Luc 23.46), une volonté humaine (Luc 22.42 ; Jean 5.30).
  • Jésus a agi et subi en homme. Il a connu la faim (Matthieu 4.2), la soif et la fatigue (Jean 4.6), la pitié (Matthieu 9.36 ; 11.29), l’amertume et la tristesse (Jean 11.33-38 ; 13.21 ; Matthieu 26.38), la colère (Matthieu 21.12-13 ; 23.13-36), la douleur (Jean 19.29), la peur et les souffrances (Hébreux 5.7). Il a pleuré (Luc 19.41 ; Jean 11.35). Il a subi la tentation même (Matthieu 4.10 ; Hébreux 2.17 ; 4.15).

Mais son humanité est sans péché.

Jésus, c’est un humain toujours juste. Son innocence était annoncée (Ésaïe 53.9). Il affirme qu’il est sans péché et met ses adversaires au défi de désigner en lui un péché (Jean 8.46 ; 14.30). Les apôtres témoignent qu’il est le Juste sans péché (2 Corinthiens 5.21 ; Actes 3.14 ; 7.52 ; 22.14 ; 1 Pierre 3.18 ; 1 Jean 2.1 ; 3.7). Jésus est irréprochable (1 Pierre 1.19), il n’a jamais commis de péché (Hébreux 4.15 ; 1 Jean 3.5). C’était indispensable car il devait être pur pour s’offrir en sacrifice pour le péché. La vie de Jésus fut une perfection morale. On n’a jamais relevé chez lui le moindre péché d’action, d’omission, de tendance ou d’attitude.

La logique humaine implique que soit l’on est Dieu, soit l’on est homme, mais on ne peut pas être les deux en même temps. Pourtant, la Bible affirme l’union sans confusion. Il convient donc aux chrétiens qui maintiennent la vérité de la Parole de Dieu d’affirmer en même temps l’union parfaite et la distinction préservée. L’union des deux natures n’est ni morale, ni physique, elle est personnelle, hypostatique. Dit autrement, le Fils de Dieu possède la nature divine et la nature humaine. Deux natures distinctes mais une seule personne. Jamais Jésus ne dialogue avec le Fils, comme il le fait avec le Père. Il est question de lui au singulier. Il dit « je » et non « nous ».

À ce point de notre réflexion, il faut relever le fait que pleinement Dieu, Jésus s’est autolimité. Le Christ a renoncé à profiter de son égalité avec Dieu (Philippiens 2.6) ; il s’est défait de sa richesse (2 Corinthiens 8.9). Il a voilé la gloire qu’il avait auprès du Père (Jean 17.5). Lors de son incarnation, il a renoncé à beaucoup de privilèges liés à sa divinité. Le Christ a vécu sa condition humaine sans tricher. Comprenons qu’il ne s’est pas amusé à faire des miracles pour s’amuser ou pour se tirer d’affaires (hors de la volonté du Père).

Les sectes, qu’elles soient du passé ou modernes, nous présentent un Jésus qui n’est pas égal au Dieu créateur. Il est soit un être angélique, soit un être humain ordinaire qui ne s’est fait remarquer que par sa piété, soit un être angélico- ou divino-humain dont l’union des deux natures aurait fait de lui deux personnes différentes ou une seule personne avec une seule nature, une seule volonté ou enfin une simple abstraction. Admettre la divinité de Jésus-Christ pour les unes, c’est créer un panthéon. Admettre son humanité, pour celles qui ont surtout été influencées par le gnosticisme, est un non-sens car l’esprit qui est bon ne peut ni s’incarner, ni se transformer en matière qui est mauvaise. Le Jésus des sectes est différent et strictement inférieur à celui de l’Écriture, lequel est une Personne en qui coexistent une nature parfaitement divine et une nature parfaitement humaine unies entre elles sans (qu’il y ait) confusion, transformation, division, séparation, comme l’a si bien confessé le Concile de Chalcédoine (451). « Le Jésus […] de toutes les sectes n’est autre qu’une caricature du Christ de la révélation divine »31.

Sommaire Confession de foi pratique

Notes de bas de page
  1. PETITFILS JC, Jésus, Fayard, 2011, p.11. ↩︎
  2. Société Biblique de Genève (Ed.). (2007). La Bible Segond 21 (Colossiens 1.15-20), Romanel-sur-Lausanne. ↩︎
  3. BLOCHER Henri, La doctrine du Christ, Vaux-sur-Seine, Edifac 2002, collection Didaskalia, p.1. ↩︎
  4. Ibid. ↩︎
  5. Ibid. ↩︎
  6. Ibid. ↩︎
  7. Id., p.2. ↩︎
  8. Id., p.16. ↩︎
  9. Id., p.18. ↩︎
  10. Berkouwer disait : « Il n’est pas anachronique d’appeler l’Ancien Testament chrétien ». Berkouwer, The Person of Christ, p.13 cité par Blocher, p.18. ↩︎
  11. PASCAL, Pensées, n° 706, cité par Blocher, op.cit., p.25. ↩︎
  12. Pour information, « L’école catholique d’autrefois allait jusqu’à s’appuyer sur le calcul des probabilités : la combinaison des traits prédits et attestés dans l’histoire du Christ n’aurait qu’une chance sur 1020 d’arriver par hasard » (Blocher, op.cit., p. 25). ↩︎
  13. BLOCHER, op.cit., p.24. ↩︎
  14. Plusieurs théologiens modernes rejettent le caractère objectif de l’orientation vers Jésus. Le croire, c’est croire aux miracles, c’est croire dans un surnaturel tangible et être forcé d’accepter comme normative la compréhension de la personne de Jésus selon l’interprétation néotestamentaire basée sur l’Ancien Testament. ↩︎
  15. Message ou récit évangéliques antérieurs aux Évangiles (Matthieu, Marc, Luc et Jean). ↩︎
  16. D’après Ézéchiel 21.32, les rabbins et le Targoum, shîloh veut dire « celui auquel il appartient ». ↩︎
  17. BLOCHER, op.cit., p. 31. ↩︎
  18. Id., p. 32. ↩︎
  19. Ésaïe 52.13-53,12 ; 42.1s ; 50.4-11 ; 51.16 ; 48.16. ↩︎
  20. Edmond Jacob, La théologie de l’Ancien Testament, p.274 cité par Blocher, op.cit., p.37. ↩︎
  21. Dans son discours public, il privilégie le genre de la parabole. Les rabbins de son temps le pratiquaient déjà. Mais Jésus les a beaucoup dépassés. C’était une façon pour lui de mettre en lumière les vérités les plus profondes (Matthieu 13, 35). C’est aussi un moyen pour lui de cacher ces vérités aux réprouvés (Matthieu 13.10-16). ↩︎
  22. Selon Guthrie, on retrouverait un emploi liturgique à Qûmran. Cf. Donald Guthrie, New Testament Theology, Leicester, I. V. P. 1981, p.282, note 186. ↩︎
  23. H. D. McDonald, Jesus-Human and Divine, Grand Rapids, Zondervan, 1968, p.58, cité par Blocher, op.cit. p.51. ↩︎
  24. Le royaume ou règne de Dieu comprenant le déploiement de sa miséricorde envers les hommes, les pécheurs et les « petits » particulièrement (accent marqué chez Luc sur la compassion pour les pauvres). Jésus fait figure de prophète, de héraut de ce futur proche, après Jean et comme lui (comparer Matthieu 3.2 et 4.17), BLOCHER, op.cit., p.51. ↩︎
  25. Ibid. ↩︎
  26. Id., pp.51-52. ↩︎
  27. Id., p.54. ↩︎
  28. Id., p.55. ↩︎
  29. BENOÎT P., « Préexistence et incarnation », Revue Biblique 77, 1970, p.11 cité par Blocher, op.cit., p. 65. ↩︎
  30. Les docètes (doketai, de dokein, sembler, paraître) réduisent l’humanité de Jésus à une apparence plus ou moins inconsistante. ↩︎
  31. Walter Martin, p. 445. ↩︎

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