La Doctrine : une clé essentielle pour la croissance du disciple
Le Docteur en théologie Kevin VanHoozer a été invité pour introduire l’une des séances de travail des théologiens du Réseau FEF sur la déclinaison pratique de notre Confession de foi. Cet article retranscrit son enseignement sur la centralité de la doctrine dans le processus de croissance du disciple de Jésus-Christ.
Je prie régulièrement pour les Églises évangéliques, pour vous tous en France. Après mes études universitaires, j’ai passé une année à faire de l’évangélisation en France. Et j’ai voyagé avec deux livres dans mon sac à dos : la Bible et l’annuaire évangélique. Dans la continuité de ma maîtrise en théologie, j’ai effectué un stage pastoral dans une Église libre à Salon-de-Provence. J’aime beaucoup la théologie, et j’aime les pasteurs. Et en particulier j’aime aider les pasteurs à devenir des théologiens. Je crois que l’Église existe pour faire des disciples, mais je pense que c’est également l’objectif de la doctrine.
Nous avons besoin d’apprendre le Christ
La doctrine, c’est de l’enseignement, et comme le dit James Innell Packer, personne ne grandit en Christ par instinct : nous avons besoin de l’enseignement. L’apôtre Paul le dit aussi en Éphésiens 4.201, nous avons besoin d’apprendre le Christ. Et donc l’idée la plus importante que j’aimerais vous suggérer, c’est que le but de la doctrine est d’instruire des disciples sur le chemin à la suite de Jésus.
En réponse au mandat missionnaire que Jésus nous a laissé, on pourrait dire qu’il n’y a rien de plus pratique que l’Église puisse faire que d’enseigner la doctrine. Regardons Jacques 1.22-24 :
Mettez en pratique la parole, et ne vous bornez pas à l’écouter, en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements. Car, si quelqu’un écoute la parole et ne la met pas en pratique, il est semblable à un homme qui regarde dans un miroir son visage naturel, et qui, après s’être regardé, s’en va, et oublie aussitôt quel il était.
Jacques 1.22-24
Je pense qu’il est important de rappeler aux membres de nos Églises que vivre une doctrine est incontournable. Nous n’avons pas besoin d’être un philosophe professionnel pour avoir une philosophie de la vie. Tout le monde est en train de mettre en pratique l’enseignement de quelqu’un ; ce ne sera pas forcément celui de Dieu, mais ce sera dans ce cas l’enseignement de quelqu’un d’autre que l’on cherchera à mettre en pratique. Pensez à toutes les paroles que les personnes écoutent : l’horoscope, les publicités, les conseils dans les journaux, ou encore les prédictions des fortune cookies2. La question est donc : de qui suis-je en train d’écouter les paroles ? Tout le monde est à l’écoute d’une parole et cherche à la mettre en pratique.
De qui provient la doctrine ?
La doctrine est donc quelque chose de pratique et la question clé, ce à quoi je veux en venir, c’est : De qui provient la doctrine de que nous mettons en pratique ?
Le premier objectif de la doctrine est d’exprimer ce que Dieu a fait, ce que Dieu fait, et ce que Dieu va faire en Christ. Mais son deuxième objectif est de mettre en évidence de faux dieux. Les pseudo-connaissances que Paul dénonce dans sa première épître à Timothée sont des doctrines de démons. Il est dangereux et mortel de mettre en pratique des doctrines de démons. En revanche, il est salutaire de mettre en pratique la doctrine chrétienne. Je crois que les pasteurs rendent service à leurs paroissiens en les aidant à voir qu’ils sont toujours au service d’une doctrine. On est toujours endoctriné.
Je pense aussi que nous sommes tous des créatures inscrites dans une histoire, et que la doctrine est une façon de résumer l’histoire dans laquelle nous vivons. Les chrétiens doivent savoir quelle est l’histoire qui pose les bornes sur notre vie, en l’occurrence la doctrine du salut que nous trouvons dans l’Écriture. Nous avons tous entendu l’objection selon laquelle la doctrine ne serait pas pratique, ni même biblique. Mais je suis convaincu qu’en lisant l’Écriture, nous sommes confrontés à certaines questions, et c’est le rôle de la doctrine d’y répondre. Par exemple, comment Jésus peut-il être homme et Dieu ? Pourquoi a-t-il dû mourir ? Qu’est-ce que sa mort a accompli ? Les doctrines de la Trinité et de l’expiation nous permettent de connaître plus en profondeur l’histoire de la Bible. Pour grandir en tant que chrétien, nous devons parvenir à une compréhension plus profonde de l’histoire de nos vies.
Je vais évoquer trois aspects qui mettent en relief les implications pratiques de la doctrine. À mon sens, les trois modèles qui montrent la pertinence pratique de la doctrine sont le régime, le royaume et le récit.
- Le régime
Comme je le disais au début, la doctrine existe pour faire des disciples. William Ames, le théologien puritain, définissait la théologie comme la science pour vivre pour Dieu. Il ne suffit pas d’être simplement en accord avec la doctrine. Lire la doctrine sans la mettre en pratique revient à lire un livre de régime alimentaire, sans mettre en pratique les instructions qu’on y trouve. On ne perd pas de poids ainsi. D’une manière similaire, l’Église locale ne va pas grandir dans sa santé simplement par un assentiment à la doctrine. Comme Paul le dit en 1 Timothée 4.8, exerce-toi à la piété. Ce mot exerce vient du terme grec gumnazo, comme la gymnastique. De la même façon qu’on ne peut pas perdre du poids juste en lisant un livre, on ne peut pas grandir en piété simplement en apprenant des choses sur Dieu. Nous avons besoin de comprendre qui est Dieu, qui nous sommes vis-à-vis de lui, et répondre de manière appropriée.
- Le royaume
Le deuxième point que je voudrais souligner est celui du domaine, du royaume, qui est en lien avec la vocation de l’Église à être une nation sainte. La doctrine aide les disciples à vivre dans le royaume de Dieu. J’aime penser à ce thème en termes de citoyenneté de l’Évangile. Comme Paul le dit, nous sommes citoyens des cieux. Notre royaume légitime est donc celui de Dieu. La doctrine nous aide à savoir, en tant que citoyen des cieux (Philippiens 3.20), ce que nous devons comprendre pour vivre cette citoyenneté céleste dans notre réalité terrestre actuelle. C’est le défi du discipulat : apprendre à être une nation sainte dans un monde qui ne l’est pas. Nous devons enseigner à nos membres à vivre et à s’approprier cette réalité, pas uniquement le dimanche, mais également tous les jours de la semaine. La théologie ne se contente pas d’aider l’Église à accomplir le mandat missionnaire, mais elle est aussi une façon de répondre à cette requête du Seigneur Jésus : Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au ciel (Matthieu 6.10).
- Le récit
La troisième image qui peut nous aider à réfléchir à la pertinence pratique de la doctrine est celle du théâtre, du récit. La doctrine nous aide à comprendre comment nous pouvons jouer notre propre rôle dans cette histoire. Ce « rôle » demande du travail et des efforts, car il est facile de suivre d’autres scripts qui nous viennent de la culture ambiante. L’Église se trouve au milieu d’un concours de sagesse. Les puissances et les principautés de la culture contemporaines font tout pour captiver nos consciences et nos pensées. Je crois que la culture est un moyen puissant de formation spirituelle. Nous devons donc discerner quel effet la culture contemporaine a sur notre esprit.
Les pasteurs devraient aider les Églises afin que nous puissions pleinement faire nôtre cette parole biblique. C’est le privilège des pasteurs d’être au service de la compréhension de la Bible. Mais ce privilège consiste aussi à être au service de la compréhension de notre culture par le prisme de la Bible. Je vois le pasteur comme le narrateur qui permet à l’assemblée de comprendre ce qui se passe vraiment. De même que l’apôtre Paul nous appelle à retenir toute pensée captive sous l’autorité du Christ, nous devons aussi rendre les imaginations captives de l’autorité du Christ. En vivant et en nous invitant à faire nôtre le texte biblique et l’histoire qu’il nous raconte, l’Église a pour rôle d’être un atelier de la nouvelle humanité, un atelier où les hommes et les femmes apprennent à devenir vrais en Christ. C’est pourquoi je parle du théâtre de la doctrine. Ce qui est en jeu est très important. Nous sommes en train soit de suivre l’histoire biblique, soit de suivre une fausse histoire. La bonne nouvelle de l’Évangile est que Dieu est actif, il est à l’œuvre par le Saint-Esprit. C’est la raison pour laquelle chaque chrétien doit comprendre la doctrine de la Trinité. Nous ne pouvons pas comprendre ce que Dieu fait en Christ en dehors de la doctrine de la Trinité.
Je vois l’histoire que nous dévoile l’Écriture comme un drame en cinq actes : chaque acte est mis en mouvement par une parole de Dieu. Par exemple, l’acte premier, la Création, commence quand Dieu dit : Que la lumière soit. L’acte deux commence quand Dieu fait une promesse à Abraham en lui disant : Je ferai de toi une grande nation. Le troisième acte est la Parole de Dieu faite chair, par l’incarnation de Jésus-Christ. La doctrine nous aide à nous situer en tant qu’Église dans cette pièce en plusieurs actes. Nous n’en sommes pas encore à la consommation : nous sommes dans l’acte qui correspond à l’Église, le livre des Actes. Il a été mis en mouvement par la parole prophétique et le geste de Jésus lorsqu’il a dit à ses disciples : Recevez le Saint-Esprit. C’est Calvin qui a décrit le monde comme étant le théâtre de la gloire de Dieu. Je crois que la doctrine aide les disciples de Jésus à vivre dans ce théâtre à la gloire de Dieu. Il ne suffit pas d’être spectateur, mais il faut être acteur : c’est à cela que Jésus nous appelle. On ne peut suivre Jésus en tant que spectateur.
L’autre raison pour laquelle on peut faire ce parallèle avec le théâtre, c’est que dans chaque acte, il y a un conflit. Ce dernier surgit toujours lorsque des acteurs humains sont tentés de ne pas croire ou de désobéir à la Parole de Dieu. La doctrine forme les disciples pour qu’ils puissent répondre de manière appropriée à la Parole de Dieu. C’est en ce sens que la théologie est pratique : elle aide les disciples à comprendre et à participer comme il faut à l’histoire de ce que Dieu fait en Christ. Mon but en tant que théologien n’est pas d’écrire des livres. J’aimerais écrire des lettres vivantes à des personnes qui savent transmettre la pensée de Jésus-Christ dans les situations du quotidien. Il me semble que c’est ce que Paul a en tête en écrivant transformés par le renouvellement de l’intelligence en Romains 12.2. La formation théologique, la doctrine, sont là pour nous aider à mieux suivre Jésus. Nous devons comprendre le grand récit de la Bible, de la Genèse à l’Apocalypse, et ainsi l’Église locale peut vivre dans son propre contexte la même histoire.
En conclusion
Pour conclure les trois idées principales qui résument mon exposé, la doctrine est le régime qui doit être suivi par les chrétiens pour grandir dans la santé de leur relation avec Jésus. Elle est le domaine qui les équipe à vivre leur citoyenneté céleste dans la réalité qui est la nôtre aujourd’hui. Elle les aide à comprendre l’histoire qu’ils sont appelés à vivre. Voici donc trois façons de montrer la pertinence pratique de la doctrine dans la vie de l’Église.
Que Dieu vous bénisse alors que vous cherchez à revendiquer à nouveau votre droit d’aînesse théologique en Christ.
Sommaire Confession de foi pratique
- Préambule – Les théologiens du R-FEF déclinent la Confession de foi de manière pratique – Matthieu Gangloff
- Introduction – Doctrine : une clé essentielle pour la croissance du disciple – Kevin J. Vanhoozer
- Article 1 : Le Dieu trinitaire – Matthieu SANDERS
- Article 2 : La Bible, Parole de Dieu – Cédric EUGÈNE
- Article 3 : Le Dieu créateur – Serge OULAÏ
- Article 4 : Le péché – Matthieu GANGLOFF
- Article 5 : Jésus-Christ – Roy REESE
- Article 6 : L’œuvre du salut
- Article 7 : Le Saint Esprit – Roy REESE
- Article 8-9 : L’Église et les sacrements – Matthieu SANDERS
- Article 10 : Vivre selon la volonté de Dieu – Serge OULAÏ
- Article 11 : La résurrection, le jugement final et l’éternité – Matthieu GANGLOFF